Dans les prisons du Sénégal

Guenael1986 : les plus hautes autorités du Sénégal prennent conscience de l’intérêt du programme de Méditation Transcendantale et décident de le mettre en application dans le cadre précaire de ses établissements pénitentiaires pour une réelle réhabilitation de ses détenus. Ce programme validé scientifiquement a contribué à améliorer considérablement dans 31 prisons du Sénégal les conditions physiques, mentales, psychologiques et émotionnelles des détenus… et de leurs gardiens !

Guénael Boucher (photo), professeur MT français maintenant installé à Lausanne et l’un des responsables du projet, se souvient. Documents vidéo à la suite de l’interview.

Comment est-ce que tout a commencé ?

Guénaël Boucher : C’était en juillet 1986, nous avons rencontré le président Abdou Diouf, introduits par une femme d’affaires parisienne qui a ensuite généreusement financé le projet de réhabilitation. Nous avons expliqué au président les bienfaits individuels, mais surtout collectifs de la Méditation Transcendantale, dont la pratique en groupe apporte cohérence et harmonie dans la société. Un membre de notre équipe, un pieux Musulman et professeur de MT, a bien expliqué que la pratique de la MT n’était pas en contradiction avec la religion (le Sénégal est à 90% musulman).

Le président a demandé à résumer lui-même pour s’assurer qu’il avait bien compris notre présentation : son résumé était parfait !

Nous avons proposé d’enseigner la MT dans l’armée, contexte idéal pour une pratique régulière du fait de la discipline qui y règne. « Cela risque d’être difficile, » a répondu le président, « mais j’ai de gros problèmes dans les prisons. Je vous ouvre les portes des prisons. » Nous avons relevé le défi.

Quand avez-vous commencé à enseigner dans les prisons ?

Guénaël Boucher : Maharishi Mahesh Yogi, le fondateur de la Méditation Transcendantale, nous a donné du temps pour préparer le projet. Il s’agissait avant tout de mettre sur pied une équipe francophone harmonieuse. Au départ nous étions une dizaine d’enseignants.

En décembre 1986, nous avons rencontré le Ministre en charge des prisons. Nous avons d’abord enseigné aux cadres de l’Administration pénitentiaire. Puis nous avons commencé par la prison la plus dure du Sénégal, la prison de Camp Pénal à Dakar, pour les détenus condamnés à de grosses peines d’enfermement.

Nous avions prévu des gâteaux pour inaugurer le programme de réhabilitation : je me souviens encore de la ruée des détenus sur ces gâteaux, les pauvres n’avaient pas grand-chose à manger !

Il est difficile d’imaginer le stress, la violence, la tension dans ces prisons. Les détenus n’osent pas dormir de peur d’être aggressés, les ambulances vont et viennent toute la nuit. Impossible pour le directeur de dormir la nuit !

Nous avons enseigné la MT à 200 détenus le premier jour. Après le cours, ils sont tous partis dormir ! Le directeur nous a convoqués le lendemain, l’air grave. Nous avions un peu d’appréhension : « C’est incroyable ce que vous avez fait. En 35 ans je n’ai jamais vu ça. De toute la nuit, pas une seule aggression, pas un mort. » Trois mois plus tard, l’un de mes élèves récupérait encore : « je dors 22 heures sur 24 ! »

L’atmosphère dans la prison s’est complètement calmée et les problèmes ne sont pas revenus. C’est un bon exemple de l’impact de la MT sur l’atmosphère sociale par la dissolution du stress.

Comment le projet s’est-il étendu à tout le pays ?

seneg_groupe en MTGuénaël Boucher : Ce directeur a parlé des résultats à tous les autres directeurs de prison, un congrès de directeurs s’est tenu et l’enseignement s’est étendu dans les autres prisons. Beaucoup de travail pour nous : instructions, suivi une fois par semaine, vérification de la pratique correcte, conférences vidéo de Maharishi pour donner une meilleure compréhension des expériences et de la valeur de la méditation. Nous enseignions toujours d’abord aux gardiens, afin qu’ils comprennent la pratique des détenus.

En une semaine nous pouvions enseigner à toute une prison, cela a été sur 12 à 18 mois une grosse période d’enseignement. Nous avions une équipe en permanance dans certaines prisons, moins dans les prisons lointaines.

Nous avons institué des moments matin et soir consacrés au programme de méditation, incluant les postures et exercices respiratoires du yoga .

Il n’y a jamais eu de résistance à ces changements ?

Guénaël Boucher : Certains directeurs ou gardiens étaient moins enthousiastes que d’autres, ils suivaient car ils devaient obéir aux ordres. Certains gardiens géraient un traffic de drogue bien établi au sein de leur prison, et n’appréciaient pas de voir leur commerce disparaître, car nous mettions clairement en garde les détenus contre les méfaits des drogues.

Nous avons été très bien soutenus par le Colonel Diop en particulier, devenu Directeur de l’administration pénitentiaire trois à quatre mois après notre arrivée. Il était très enthousiaste et a rendu la pratique presque obligatoire.

Un beau souvenir à partager ?

Guénaël Boucher : Il y a eu beaucoup de moments forts. Je me souviens de cet épisode à la prison de Diourbel. Le jour de l’instruction à la MT, un détenu, très malade, ne voulait pas venir. La participation étant obligatoire, les gardiens l’ont forcé à se joindre au groupe. Furieux, il ne voulait absolument pas participer. On pouvait voir les éclairs dans ses yeux. Bien sûr, on ne peut pas forcer quelqu’un à méditer. Dès l’instruction du groupe, c’était la première expérience de transcendance, de glissement vers le silence intérieur. Le détenu a refusé de fermer les yeux comme les autres, mais l’expérience était si forte que ses yeux se sont fermés tout seuls, il était entraîné par l’expérience collective. Après la méditation, il est venu vers moi et s’est mis à pleurer dans mes bras : « Tu sais, c’est incroyable. J’étais si malade. J’ai senti quelque chose dans mes intestins, je n’ai plus mal du tout, je suis guéri. »

Il y a dû avoir un bon nombre d’autres expériences étonnantes ?

Guénaël Boucher : Chez nous, on a tendance à se réprésenter les démons comme noirs. En Afrique, les démons sont blancs (rires)! Nous arrivions dans cette prison en plein désert. Ce détenu me voit arriver, il entre comme en trance, il est sûr d’avoir vu un démon. Il est dans un état de totale téthanie. Les gardiens l’ont pris en main, l’ont approché de moi. Quand je lui ai touché la main, il a compris que j’étais de chair et d’os. Je lui ai fait un grand sourire et il s’est complètement relaxé.

Encore une belle anecdote ?

Je me souviens aussi de ce prisonnier qui nous aidait en tant que traducteur (tout le monde ne parle pas français au Sénégal). Il traduisait pour ses compagnons nos mises en garde par rapport aux drogues : son affirmation « les drogues sont très mauvaises » était à chaque fois accueillie d’immenses éclats de rire. « Ils trouvent cela très drôle, » nous a expliqué notre traducteur, « car ils savent tous que je suis le plus grand trafiquant de drogue de la ville ! »

Est-il vrai que vous avez vidé les prisons du Sénégal ?

Guénaël Boucher : C’est en partie vrai. Lors de chaque élection présidentielle, 2000 prisonniers sont amnistiés. Malheureusement 95% commettent de nouveau des crimes dès qu’ils sortent et sont vite de retour, en 2-3 semaines. Avec l’enseignement de la MT, neuf mois après l’amnistie, seuls 15% étaient de retour en prison. « Sans doute ceux qui ne pratiquaient pas leur MT régulièrement, » a fait remarquer un directeur de prison (rires). C’est un témoignage concret de l’efficacité de la MT qui libère du stress, améliore le jugement moral, rend plus conscient et créatif. Certaines prisons se sont ainsi retrouvées sans détenus.

Qu’avez-vous accompli au final ?

seneg_salle de MTGuénaël Boucher : Au total, notre équipe de 17 enseignants a instruit 12’000 personnes à la MT. Pendant encore deux ans, nous avons instruit les nouveaux entrants en prison et formé des gardiens de prison aptes à vérifier la pratique correcte des détenus.

Au départ, le président Diouf s’intéressait à la capacité de nos programmes de rétablir l’ordre et l’harmonie dans la société, mais aussi dans la nature : le Sénégal souffrait d’une terrible sécheresse depuis 13 ans et dissoudre le stress collectif, élever la conscience pouvait rétablir l’équilibre dans la nature. Cela peut faire penser à de la simple superstition, mais il s’agit d’un effet bien attesté par les textes anciens de la tradition védique d’où est issue la MT, et explicable scientifiquement. Toute chose est reliée à toute autre chose.

Et la pluie est venue plus abondante que les autres années dans les régions touchées par la sécheresse. C’était extraordinaire. Nous nous y étions engagés, et nous espérions bien que cela se produirait ! Tout s’est rééquilibré entre le Nord et le Sud du pays, l’équilibre dans la nature s’est rétabli. Tout le monde ne parlait que de cela au Sénégal : « Année exceptionnelle, production record, la sécheresse a disparu. »

Le président avait bien compris que l’effet de l’enseignement à large échelle de la MT était responsable de ce retour à l’équilibre, et qu’il s’agissait d’une approche scientifique car nous avions prédit et expliqué le résultat.

Pourquoi un si beau projet s’est-il interrompu ?

Guénaël Boucher : Pour la pérénnité du projet, il s’agissait de former des professeurs de MT locaux dans le contexte de l’école de police de Dakar. Tout était prêt mais les donations finançant le projet se sont taries.

Il était temps pour le financement de venir du Sénégal lui-même. Une toute petite somme, mais personne n’a voulu soutenir le projet. En même temps tout le monde voulait que nous restions…

Nous devions partir ; personne ne pourrait enseigner la MT au nouveaux entrants. Cela a été dur pour nous d’entendre d’Europe que les problèmes revenaient : les administrateurs ont progressivement laissé s’effilocher les choses, le trafic de drogue a recommencé…

Le plus absurde est que trois semaines seulement après notre départ, une guerre de frontière a commencé entre le Sénégal et la Mauritanie. Le Sénégal a envoyé ses troupes au nord du pays. Tout cela a coûté au gouvernement probablement cent fois plus qu’un cours local de formation de professeurs de MT, qui aurait permis au programme de continuer, diminué le stress dans l’atmosphère collective et garanti la paix.

Entretemps, bien sûr, la MT a été enseignée dans de nombreuses prisons de divers pays, toujours avec des résultats très positifs, et nous sommes à disposition de tout gouvernement souhaitant adopter un système de réhabilitation efficace, profond et humain.

Propos recueillis par Léonard Stein

ColonelDiop
Colonel Mamadou Diop

« Dans leurs rapports, les régisseurs des établissements pénitentiaires m’ont fait part de leur étonnement et de leur satisfaction face à des changements aussi positifs, aussi rapides et aussi profonds, obtenus de surcroît avec une technique aussi simple : plus grand calme des détenus, moins de rixes, moins d’infractions au règlement, plus grande facilité à s’endormir, sommeil plus profond remplaçant les sempiternels tapages et violences nocturnes, diminution des consultations médicales (jusqu’à 70%), comportement plus constructif des détenus, meilleur moral, meilleurs relations entre eux et avec le personnel, etc.

Les gardiens font également preuve de plus de discipline, de loyauté envers les supérieurs, et leur attitude vis-à-vis des détenus est plus assurée tout en étant plus fraternelle. »

— Colonel Mamadou Diop, Directeur de l’Administration pénitentiaire, République du Sénégal, mai 1988.

—> A voir pour en savoir plus : Documents vidéo sur le programme de réhabilitation MT au Sénégal.

 

 

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